INFLUENCES MUSICALES A L’ORIGINE DU TANGO

 

 

Le Tango, qui a émergé dans le Rio de la Plata (Argentine et Uruguay) dans la deuxième moitié du 19e siècle, est la résultante, comme beaucoup de musiques populaires, de multiples influences d'origines diverses, synthèse complexe accélérée par l'afflux massif d'immigrants dans cette région à cette époque. Synthèse prodigieuse en si peu de temps, car que sont quelques décennies pour la naissance d'un art qui ensuite a atteint un haut niveau de sophistication ?

Le but ici n'est pas du tout d'analyser ces influences dans toute leur diversité et sous un angle historico-sociologique, mais d'essayer de dégager quelques lignes de force de ces influences, uniquement sur le plan musical, et spécialement en ce qui concerne le rythme.

Car c'est d'abord le rythme qui caractérise le tango comme danse, qui structure les mélodies et les arrangements des orchestres, quelles que soient les sources d'inspiration des mélodies et des paroles : le rythme est le fondement, marqué dans les premiers temps par les guitares, puis par le bandonéon, progressivement ensuite par le piano et la contrebasse, instruments qui ont sous-tendu la force et la plénitude des arrangements des "orquestas típicas", où ces bases rythmiques ont permis les variations brillantes de tous les instruments, mais aussi des chanteurs d'orchestre.

Mais d'où vient ce rythme de tango si caractéristique et si fécond ?

 

Avant d'illustrer ceci en détail, quelques rappels simples sur les 5 principaux genres :

·      Habanera : comme le nom l'indique, musique et danse qui eurent leur notoriété la plus importante à Cuba, vers 1850, mais dont les œuvres fondatrices les plus représentatives étaient dues à des Espagnols.

·       Candombe : musique et danse à base de tambours, des descendants d'esclaves noirs au Rio de la Plata.

·   Milonga campera : inséparable de l'art des "payadores" (chanteurs itinérants et improvisateurs de la campagne argentine, au rythme typique 3-3-2, qu'on ne dansait pas.

·     Milonga urbana : dérivée de la précédente, plus rapide et dansée, souvent chantée, appelée tango au début du 20e siècle.

·       Tango : évolution du rythme 3-3-2 vers les temps forts habituels d'une mesure à 4 temps.

 

Et une petite explication sur le Rythme 3-3-2,  très important dans cette réflexion :

 

Classiquement, les temps forts dans une mesure à 4 temps sont le 1 et le 3 (le 3 un peu atténué par rapport au 1). Si on divise la mesure en 8 croches, les temps forts sont donc habituellement sur les croches 1 et 5.

Ainsi dans le tango, le "marcato" si caractéristique consiste à souligner ces temps forts, ce qui est essentiel pour la danse.

En revanche, dans ce que les musiciens argentins appellent le rythme 3-3-2, les temps forts sont sur les croches 1, 4, 7 : scander 1 2 3, 1 2 3, 1 2, pour s'en faire une idée concrète.

Illustration sur une milonga très célèbre "Los ejes de mi carreta", mais aussi sur beaucoup d'œuvres de Piazzolla, qui remit ce rythme fondateur au fronton, typiquement dans "Libertango", à l'écoute duquel on peut scander assez facilement le 3-3-2.

 

Illustrations commentées

La habanera à la croisée des chemins

 

L’ancêtre de la habanera : la contredanse

 

Quelques sources pour ce cousinage un peu inattendu :

 

http://www.musicologie.org/sites/h/habanera.html

https://fr.wikipedia.org/wiki/Habanera,

 

et un exemple hors norme, où l'on peut entendre une ressemblance avec le 3-3-2.

 

1788   Mozart – Contredanse en Do majeur          https://youtu.be/rU18HMGPQts

 

La Habanera

« La Paloma » (« La Colombe ») composée vers 1860 par l'Espagnol Sebastián Yradier , considérée comme l'oeuvre de référence du genre. 

 Des musiciens espagnols tels que Manuel de Falla et Isaac Albeniz ont également composé des habaneras.

Sélection de habaneras

 

♯1860     La Paloma – Sebastian Yradier           Libertad Lamarque

1863      L’amour est un oiseau rebelle             Ana Caterina Antonacci

1890      Albeniz Tango                                      https://youtu.be/GNUpWAQuuVA

 

Candombe

 

           Candombe tambores Uruguay                    https://youtu.be/29iiFGs2nj8

                 Candombe de Canaro                                https://youtu.be/PtDbUx0KzRY

                 La Cumparsita en Candombe                     https://youtu.be/kIY9j4YxaAw

 

Milonga campera

 

El lunar de mi tropilla                   https://youtu.be/4tKshX3XYhw

Los ejes de mi carreta                 https://youtu.be/w9g9jvZ4yJ0

Milonga triste                                https://youtu.be/1dpZqA6kWU4

 

Milonga urbana

 

Autour de 1900, on chantait et on dansait sur un rythme de milonga, même si on parlait déjà de tango : un exemple emblématique est « El choclo », composé par Angel Villoldo en 1904, qui était une milonga, dont le premier enregistrement fut réalisé par la Garde Républicaine française.

Dans les exemples ci-dessous, on commence par une milonga de Gardel, qui est entre la campera et la urbana.

 

           Milonga del novecientos - Gardel              https://youtu.be/hv5zI1mM6AY

             Milonga del novecientos - Canaro / Famá      https://youtu.be/1BNIKb0eldQ

1905   El choclo                                                Libertad Lamarque

           10 Milongas de Canaro                             https://youtu.be/LWQBs9IraFE

 

Tango

 

 

Deux exemples représentatifs du passage de la Milonga au Tango.

 

·       El Choclo

 

Les interprétations de Libertad Lamarque et Tita Merello étaient en rythme de milonga, alors que celles de  

Charlo (https://youtu.be/sMOf4aDiIOg),

Angel Vargas (https://youtu.be/4OyIGUq3dU0et

Alberto Castillo (https://youtu.be/WV1bT4nrgAE)

étaient en rythme de tango.

 

 

·       Autre exemple très intéressant : Mi noche triste par Gardel

 

o   1917 assez milonga https://youtu.be/lRnQ6Ha9yMA

 

“Carlos Gardel inovando el tango con esta canción denominada anteriormente como Lita en la música de Samuel Castriota y la letra de Pascual Contursi, ya que antes solo se solia escuchar el tango instrumentalmente , pero en esta pieza grabada por el Gardel en mayo de 1917, haciendo historia al imponer el Tango - canción , Carlos Gardel interpreta con una grandiosa entonación y ritmo junto al acompañamiento de la guitarra de José Ricardo , "Mi Noche triste" logro vender 100.000 copias y se transformó en un gran éxito para la época y el momento en que el tango tuvo voz.”

 

o   1930 très tango https://youtu.be/bnWgrNHgciw

 

 

Mais il est intéressant de souligner que dans de multiples tangos chantés, le 3-3-2 est sous-jacent, avec parfois des passages explicites, comme par exemple :

 

·       Uno, par Troilo et Alberto Marino : l'introduction puis une partie du refrain "si olvidara la que ayer lo destrozo…" : https://youtu.be/nYMlzgbctDc,

·       Tinta roja, par Pugliese : https://youtu.be/7VjoD4mKS90, où l'on notera l'alternance entre passages plutôt 3-3-2 et ceux en marcato si spécifique, la "signature" de Pugliese.

·       Tinta roja, par Ruben Juarez : https://youtu.be/FMsnAwHquIk

 

"La voz de Buenos Aires" résume tout

Eladia Blazquez : 1970 Paroles, musique, chant :  https://youtu.be/WEms5vXgsEo

 

Elle nous conte de façon poétique et imagée le passage de la milonga au tango, en alternant les deux rythmes dans la chanson.

 

Chanson

Rythme

Traduction

Introduction à la guitare

MILONGA CAMPERA

 

¡Así nació!...

De una amalgama que después la conformó

mezcla de gaucho y de la gente que llegó,

con la añoranza de otros sones.

 

¡Así nació!...

Dulce milonga que del alma se prendió,

como una rosa que de pronto floreció

con un perfume a bandoneones.

 

¡Así nació!...

Por el deseo de su propia identidad

amasijada con el barro y la humedad

de un arrabal de luna y fango.

 

¡Después creció!...

De sus entrañas otro son se desprendió,

y cuenta un ángel que después que lo acunó

le dijo al hijo... ¡Vamos tango!

 

MILONGA CAMPERA

Ainsi naquit!

D’un amalgame qui ensuite l’a formée

Mélange de gaucho et de ceux qui sont venus

Nostalgiques d’autres musiques

 

Ainsi naquit!

Milonga douce qui à l’âme s’est accrochée

Comme une rose qui soudain aurait fleuri

Dans un arôme de bandonéons.

 

Ainsi naquit!

Par le désir de sa propre identité

Ecrasée par la boue et par l’humidité

D’un faubourg de lune et de fange

 

Elle a grandi… !

De ses entrailles un autre son s’est dégagé

Un ange raconte qu’après l’avoir bercé

A dit au fils… Vamos Tango !

 

¡Vamos!... Somos amos de la aldea...

¡Vamos!... a inventarles las corcheas

y los versos y el reverso

de la musa triste y rea.

 

TANGO

Vamos !... Nous sommes les maîtres du village

Vamos !...  Nous inventerons les croches

Et les vers et le revers

De la muse triste et misérable

 

Que la ciudad,

palpite siempre con el pulso de los dos...

Porque es un modo de ganar la libertad

¡que Buenos Aires tenga voz!...

MILONGA CAMPERA

Pour que la ville

Toujours palpite au son de leurs pulsations

C'est un moyen de conquérir la liberté

Que Buenos Aires ait de la voix !

 

 

 

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