Esta noche me emborracho (Cette nuit je vais me saouler)
1928 Enrique Santos Discépolo paroles et musique
Derrière cette belle mélodie, que nous dansons souvent avec l'interprétation de D'Arienzo et Alberto Echagüe, se cache un texte terrible, qui décrit deux tragédies liées , dans ce langage de tous les jours, avec un large recours au Lunfardo, qui caractérise Discépolo.
Ecoutons l'interprétation de Carlos Gardel pour profiter pleinement des paroles, dont voici une traduction "cantabile" (à prendre avec indulgence, c'est une première approche !).
Sola, fané, descangayada, la vi esta madrugada salir de un cabaret; flaca, dos cuartas de cogote y una percha en el escote bajo la nuez; chueca, vestida de pebeta, teñida y coqueteando su desnudez... Parecía un gallo desplumao, mostrando al compadrear el cuero picoteao... Yo, que sé cuando no aguanto más, al verla así rajé, pa' no yorar.
¡Y pensar que hace diez años, fue mi locura! ¡Que llegué hasta la traición por su hermosura!... Que esto que hoy es un cascajo fue la dulce metedura donde yo perdí el honor; que chiflao por su belleza le quité el pan a la vieja, me hice ruin y pechador... Que quedé sin un amigo, que viví de mala fe, que me tuvo de rodillas, sin moral, hecho un mendigo, cuando se fue.
Nunca soñé que la vería en un "requiscat in pace" tan cruel como el de hoy. ¡Mire, si no es pa' suicidarse que por ese cachivache sea lo que soy!... Fiera venganza la del tiempo, que le hace ver deshecho lo que uno amó... Este encuentro me ha hecho tanto mal, que si lo pienso más termino envenenao. Esta noche me emborracho bien, me mamo, ¡bien mamao!, pa' no pensar. |
Seule, fanée et abîmée Je l'ai vue aux aurores Sortir d'un cabaret ; Maigre, la nuque bien rentrée, Un cintre dans l'décolleté Sous le cou décharné ; Fourbe, habillée en gamine, Cheveux teints, aguicheuse Dans cette nudité … Elle avait l'air d'un vieux coq déplumé, Affichant dans sa frime La peau toute ravinée… Moi, qui sais quand je ne supporte plus, Je me suis débiné, Pour pas pleurer.
Quand je pense qu'il y a dix ans, C'était ma folie ! Que j'ai même pu trahir Pour sa beauté !... Ce qui maintenant est une épave Fut la tendre et folle passion Où j'ai perdu mon honneur ; Car rendu fou par sa beauté J'ai enlevé l'pain à ma vieille, Devenu abject et quémandeur… Car j'ai perdu tous mes amis, Car j'ai vécu de mauvaise foi, Car elle m'a mis à genoux, Sans morale, un vrai mendiant, Quand elle est partie.
Jamais je n'ai songé la voir Dans un délabrement D'une telle cruauté. Dites, c'est à s'tirer une balle Que pour ce vieux débris J'en sois arrivé là !... Féroce vengeance que celle du temps, Qui nous fait voir défait C'que nous avons aimé… Cette rencontre m'a fait tant de mal Que si j'y pense encore Je finirai acariâtre. Cette nuit je me saoûle la gueule, Je me pinte, bien pinté Pour pas penser.
Adaptation française par Léon Lévy-Bencheton Tous droits réservés © 2019 |
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