L'invitation dans le bal tango / La invitación en las milongas

 BILINGUE

 

L’INVITATION DANS LE BAL : CORRECTION ET RESPECT AVANT TOUT

 

J’aimerais partager une réflexion personnelle sur la question délicate de l’invitation dans les milongas,

étant passionné de tango et très sensible à la bonne atmosphère des bals.

Nous savons bien que la réussite d’une milonga dépend de multiples facteurs « structurels » comme le lieu, les organisateurs, le ou la DJ, le niveau des danseurs et danseuses et leur capacité collective à circuler sur la piste avec fluidité et sans gêner les autres.

Mais l’obtention de l’atmosphère particulière que crée parfois le tango dépend également beaucoup d’une attitude de respect mutuel des participants, et plus précisément de la correction et du savoir-vivre dans l’invitation puis dans la danse. Et je ne prétends ni être exhaustif ni donner une solution, mais seulement inciter à réfléchir et … à infléchir son comportement en bal.

 

·       L’invitation :

Je ne vais pas discourir sur « mirada et cabeceo» ( regard et signe de tête) et, LE code d’invitation par le regard, qui nous vient de Buenos Aires, érigé en dogme par certains, et qu’on n’aurait pas le droit de discuter, sous peine d’apparaître comme hérétique !

Ou plutôt si, je vais en parler, non pour en analyser la théorie et les détails (laissons cela aux experts et professeurs), mais pour en évoquer les limites pratiques.

Qui n’a pas vécu la difficulté concrète, dans la configuration d’une salle de bal, en fonction de son éclairage, à échanger des regards suffisamment ciblés pour ne pas occasionner des malentendus désagréables ? Et lorsque le malentendu survient, et c’est somme toute assez fréquent, les protagonistes ont-ils (elles) toujours l’élégance de ménager la sensibilité de l’autre ? J’ai vu un homme venir vers deux danseuses assises côte à côte et, l’une d’elles demandant à qui s’adressait l’invitation, répondre d’un doigt pointé, sans un mot et sans un sourire !

Et que dire de certaines milongas, à Buenos Aires ou à Paris, où les femmes sont alignées sur des chaises, attendant que les hommes fassent leur marché, d’un regard et parfois d’un geste du menton, tels les maquignons dans les marchés au bétail (je me contenterai ici de cette analogie rurale mais je vous laisse en imaginer d’autres) ? Les hommes qui dévoient ainsi le code de l’invitation ont-ils un besoin d’affirmation, voire une volonté de domination ? Qu’en pensez-vous, amies danseuses ?

 

Et lorsque je demande à des amies danseuses, femmes d’expérience, élégantes, cultivées et parfois dotées de fortes personnalités, pourquoi elles ne déclinent pas une invitation non respectueuse, elles me répondent qu’elles craignent de ne plus être invitées si elles refusent ! Elles redoutent des représailles quoi !

Certes, une femme qui refuse de façon sèche ou désagréable fait elle aussi preuve de manque de délicatesse et mérite peut-être que l’homme ne revienne pas. Mais dès lors que le refus est civil, et pourquoi pas souriant, et qu’elle ne se lève pas l’instant d’après avec un autre danseur, elle est tout simplement dans son droit. J’ose le dire : elle ne doit pas céder à la terreur de la part de je ne sais quels machos d’une autre époque.

La mirada et le cabeceo sont une convention, mais pas un rite incontournable, et rien ne doit interdire l’invitation directe et polie en venant à la table de la danseuse, sans nécessité de code du regard.

A cet égard, on atteint des sommets lorsque, assis à la même table qu’une danseuse, on l’invite du regard avec un geste du menton !

 

Mais après ces fortes paroles je suis obligé de reconnaître que c’est un problème compliqué et qu’il n’y a donc pas de solution miracle.

Et une des difficultés réside dans la différence de niveau entre un danseur et une danseuse, qui parfois peut être assez désagréable étant donné qu’on est ensemble pour une tanda d’environ 12 minutes ! On pourrait atténuer cette difficulté en invitant pour la troisième ou la quatrième danse de la tanda, mais ce n’est pas conforme au code, car on nous dit que la femme pourrait se vexer d’être ainsi invitée « à l’essai » ! Soit, mais alors peut-être la femme, elle, pourrait inviter de cette manière ?

C’est dommage que l’on ne puisse pas inviter pour une ou deux danses, car cette règle augmente le nombre de femmes qui « font tapisserie », mais aussi celui des hommes qui n’osent pas inviter une bonne danseuse.

Pour ma part, je serais très heureux qu’une de mes amies excellentes danseuses ou professeures m’offre parfois le plaisir du dernier tango d’une tanda, et d’ailleurs c’est déjà arrivé et j’ai beaucoup appris sans qu’un seul mot soit échangé.

 

·       La danse :

Une fois que, surmontant les embûches de l’invitation, on est sur la piste, dans un bel abrazo, je n’ai pas fini de vous titiller !

Car évidemment c’est là que commence le plaisir extraordinaire des moments d’harmonie, mais aussi les désagréments des inévitables incompréhensions : le guidage de l’homme pas suffisamment clair ou mal interprété, les indications subtiles de la femme non perçues ou non suivies par l’homme.

Au lieu de s’adapter et maintenir au mieux la cohérence du couple, certains font sentir à l’autre qu’ils ou elles ne sont pas satisfaits, par exemple :

-        L’homme qui, agacé par une action de la femme, va dire  « je ne vous l’ai pas commandé » (sic ! ), à quoi une personne que je connais bien conseille de répondre « C’est offert par la maison ! », même si on se doute que cet homme-là ne doit pas avoir beaucoup d’humour

-        La femme qui, ne reconnaissant pas un schéma appris, va manifester son désaccord par une sorte d’inertie, ou même en faisant sentir sa mauvaise humeur.

 

Situation qui s’aggrave quand l’un des deux, convaincu d’avoir un niveau supérieur, ce qui l’empêche de douter et de réfléchir sur soi-même, se met à donner une leçon au milieu de la piste. D’ailleurs, qui n’a pas entendu certains danseurs, pas nécessairement de bon niveau, parler avec assurance et agacement des femmes qui ne sauraient pas faire ceci ou cela ?

Mesdames et Messieurs les professeurs, encouragez vos élèves oui, mais incitez-les à plus de lucidité et d’humilité, ou au moins à plus de savoir-vivre !

 

Et pour conclure ici, oserai-je dire que, dans l’invitation comme dans la danse, il faut faire preuve, des deux côtés, de prévenance, d’élégance et, pourquoi pas, de galanterie (le temps des compadritos est révolu depuis environ un siècle !), ainsi que de souplesse et d’adaptation.

 

C’est, en définitive, le respect minimum que l’on doit à la musique et à la poésie du Tango !

 

PS : je parle ici du couple de danseurs hétéro, avec les rôles classiques où l’homme « guide » et la femme « suit ». Ne pratiquant pas le Tango Queer -que je respecte au demeurant- je suggère à celles et ceux qui le connaissent de nous faire part de leur expérience de la question de l’invitation.

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 LA INVITACIÓN EN EL BAILE: EDUCACIÓN Y RESPETO ANTE TODO

 

Me gustaría compartir unas ideas personales sobre el tema complicado de la invitación en las milongas,

simplemente como un apasionado de tango muy sensible a la buena atmósfera de los bailes, sin pretensión a ser exhaustivo ni dar una solución, sólo a incitar a reflexionar y a modificar un poco su forma de comportarse en los bailes.

 

Bien se sabe que el éxito de una milonga depende de factores múltiples como el lugar, los organizadores, el o la DJ, el nivel de los bailarines y bailarinas y su capacidad colectiva para circular en la pista con fluidez y sin molestar a los demás.

Más allá de esto, conseguir la atmósfera particular que crea a veces el tango necesita una actitud de respeto mutuo de los participantes, y especialmente supone educación y urbanidad en la invitación, luego en el baile.

 

• La invitación:

¡No voy a disertar acerca de "mirada y cabeceo", EL código de invitación de Buenos Aires, erigido en dogma por algunos, y que uno no tendría el derecho a discutirlo, bajo pena de aparecer como hereje!

O más bien sí, voy hablar de eso, no para analizar la teoría y los detalles (es el campo de los expertos y de los profesores), sino para evocar sus límites prácticos.

¿Quién no experimentó la dificultad concreta, en la configuración de un salón de baile, con su iluminación , en cambiar miradas bastante dirigidas para evitar malentendidos? Y cuando el malentendido ocurre, lo que es, resumidas cuentas, bastante frecuente, ¿los protagonistas se preocupan siempre de la sensibilidad ajena?

¡He visto a un hombre llegar cerca de dos bailarinas sentadas juntas y, cuando una de ellas preguntó a quien se dirigía la invitación, respondió con un dedo apuntado hacia la elegida, sin una palabra ni siquiera una sonrisa!

¿Y qué me dicen de algunas milongas, en Buenos Aires o en París por ejemplo, dónde las mujeres están sentadas en hileras, esperando que los hombres hagan su mercado, con una mirada y a veces con un gesto de la barbilla, así como los chalanes en los mercados de ganado? ¿Los hombres que extravían así el código de la invitación necesitan posiblemente afirmarse, incluso tienen una voluntad de dominación? ¿De esto, amigas bailarinas, qué opinan?

 

¡Y cuando pregunto a amigas bailarinas, mujeres de experiencia, elegantes, cultivadas y con carácter, por qué no declinan una invitación que no sea respetuosa, me responden que temen no ser invitadas más si niegan! ¡Temen represalias, qué os parece!

Por cierto, también una mujer que niega de modo seco o desagradable muestra una falta de delicadeza y merece posiblemente que el hombre no vuelva. Pero si contesta con educación, y mejor con una sonrisa, y no se levanta al momento con otro bailarín, tiene completamente derecho de rehusar. Me atrevo a decirlo: la mujer no debe ceder ante el temor de comportamientos machistas de otra época.

La mirada y el cabeceo son una convención, pero no un rito ineludible, y nada debe prohibir que se invite directa y civilmente acercándose uno a la mesa de la bailarina, sin necesidad de código de la mirada.

¡A este respecto, es un colmo cuando, estando sentado en la misma mesa que una bailarina, un hombre la invita con la mirada y con un gesto de la barbilla!

 

Pero después de todo hay que admitir que la invitación es un tema complicado y que no puede haber una solución milagrosa.

Y una de las dificultades reside en la diferencia de nivel entre un bailarín y una bailarina, qué a veces puede ser bastante desagradable dado que se juntan para una tanda de 12 minutos. Podríamos aliviar esta dificultad invitando para el tercer o el cuarto baile de la tanda tanda, pero se dice que el código no lo permite, ya que la mujer podría pensar que la invitan para un “ensayo”. ¿Sea, pero entonces posiblemente la mujer, ella, podría invitar de esa manera, no?

 

Es una lástima que no se suela invitar para uno o dos bailes, pues esta regla aumenta al número de mujeres sentadas esperando, pero también el de los hombres que no se atreven a invitar a una buena bailarina.

Por mi parte, sería muy feliz que una de mis amigas bailarinas excelentes o profesoras me ofrezca de vez en cuando el placer del último tango de una tanda, cosa que ya me ocurrió y me aportó mucho, sin palabras.

 

• El baile:

¡Cuando has conseguido superar las complicaciones de la invitación, y que entras en la pista con un lindo abrazo, yo sigo pinchándote!

Porque si bien entonces comienza el placer extraordinario de los momentos de armonía, también ocurren los disgustos de las incomprensiones inevitables: la marca del hombre no muy clara o mal interpretada, las indicaciones sutiles de la mujer no percibidas o no seguidas por el hombre.

En lugar de adaptarse y mantener lo más posible la coherencia de la pareja, algunos hacen sentir su insatisfacción, por ejemplo:

- El hombre enojado por una acción de la mujer, que dice " esto no se lo pedí" (sic!), al que una amiga mía aconseja responder "¡es un regalo de la casa! ", aunque se sospecha que aquel hombre no debe tener mucho humor

- La mujer que, al no identificar una secuencia o una figura estudiada, va a mostrar su desacuerdo con una clase de inercia, incluso con mal humor.

 

Esto se agrava cuando uno de los dos, convencido de tener un nivel superior, lo que sí le impide dudar y reflexionar en sí mismo, incluso se pone a dar una clase en la pista. Por otra parte, ¿quién no escuchó a ciertos bailarines, no forzosamente de buen nivel, pregonar con irritación que las mujeres no saben hacer una u otra cosa?

¡Señoras y Señores profesores, den ánimo a sus alumnos, por supuesto, pero incítenlos a más lucidez y humildad, o por lo menos a más urbanidad!

 

Y para concluir aquí, me atreveré a decir que, en la invitación como en el baile, hay que ser capaz, de ambas partes, de delicadeza, de elegancia y, por qué no, de galantería (¡la era de los compadritos se ha acabado desde cerca de un siglo!), así como de flexibilidad y de adaptación.

 

¡Resumidas cuentas, es el respeto mínimo que uno debe a la música y a la poesía del Tango!

 

PS : Se trata aquí de la pareja heterosexual de bailarines, con los papeles clásicos donde el hombre "guía o marca" y la mujer "sigue". Como no practico el Tango Queer -que respecto además- les sugiero a los que lo conocen de hablarnos de su experiencia en el tema de la invitación.

 

© Léon Lévy-Bencheton 2017

Tous droits de reproduction réservés

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Commentaires: 5
  • #1

    Christine (dimanche, 01 octobre 2017 10:57)

    Excellente réflexion Léon
    C est exactement le vécu dans les diverses milongas avec plus ou moins d accents
    Le respect d autrui est primordial que l’on soit débutant ou plus expérimenté
    Le tango est un puits sans fond et d une richesse infinie : chaque tenda peut être une belle découverte
    Au plaisir de se revoir mardi à tango barge
    Tangeramenente .....

  • #2

    choquard Valérie (dimanche, 01 octobre 2017 13:03)

    Merci pour cet article salutaire, Léon, tu as parfaitement résumé tout haut, ce que beaucoup pensent tout bas.
    Au plaisir de te revoir à Tango Barge ou ailleurs !

  • #3

    Dominique LESCARRET "El Ingeniero" (samedi, 25 janvier 2020 13:30)

    Excellent article qui résume très bien la problématique et de l'invitation et de la danse. Sachant que même pour un homme, il est parfois très compliqué d'inviter si on arrive dans un endroit où personne ne vous connait. La meilleure technique, que j'ai toujours employée à Buenos Aires, c'est en début de soirée arriver avec ma cavalière, faire un peu la "démo" sur la piste, pour que les habitués voient que nous sommes fréquentables en termes de niveaux, et après tout va bien. Sinon, vu mon âge, il m'est arrivé de passer une soirée sans pouvoir inviter… Ensuite, pour reprendre l'introduction de cet article, le dogme sur l'invitation, en France, s'apparente à l'excès de zèle des nouveaux convertis : même dans les milongas traditionnelles à Buenos Aires, tout est possible, y compris qu'une femme se lève de table pour aller inviter un homme : ça m'est arrivé plusieurs fois (dans les endroits où on me connaissait. Et comme il est bien dit dans la suite de l'article, tout est dans la manière, l'intelligence et le respect, les condiments essentiels pour réussir à passer, ce qui est finalement un exploit : deux personnes qui ne se connaissent pas et qui passent douze minutes, serrés l'un contre l'autre, en harmone, et sans projection de relations ultérieures. Un exploit !... Facile à réaliser avec un peu d'éducation et de savoir-vivre… Seul petit bémol dans la conclusion : la référence aux "compadritos", qui, à mon avis, ne connaissaient guère le sens de ces mots, et je frémis en passant à ce que devaient subir les femmes qui dansaient avec eux... surtout à l'époque des "quebradas"... Mais je le redis, excellent article, et qui en appelle d'autres :-)

  • #4

    Sonia-Devi Ung (samedi, 29 mai 2021 13:42)

    Un article sensible et sensé ! Je suis entièrement d'accord avec cette innovation consistant à offrir la quatrième danse d'une tanda à une personne avec laquelle on n'aurait pas forcément dansé sinon... Une idée à garder en tête pour l'après-Covid !
    Meilleures salutations !

  • #5

    Léon LB (lundi, 31 mai 2021 06:40)

    Merci Sonia, suite à notre échange, tu réveilles cet article de septembre 2017, dont le contenu me semble toujours une contribution à un sujet délicat, qui n'a pas de solution simple, nous le savons tous.
    Il exige de nous bon sens, pragmatisme, et surtout respect de l'autre ... en évitant tout dogmatisme.